Charte de production


Préambule

Nous rédigeons cette charte car nous souhaitons que notre compagnie se définisse autant par sa démarche artistique que par sa démarche de production.

Cette charte ne se veut aucunement un frein à la créativité des équipes ; nous l’envisageons comme un guide commun pour que toutes les personnes travaillant sur nos spectacles puissent s’inscrire dans un même cadre éthique de production qui soit en accord avec les valeurs sous-tendant généralement nos œuvres.

Seuls quelques points de cette charte sont contraignants ; la plupart sont des invitations à rester attentives et attentifs à certaines problématiques et à ne céder ni à la facilité ni à l’habitude, pour au contraire régulièrement re-penser notre façon de créer des spectacles et tenter sans cesse de l’améliorer.

A travers cette charte, nous souhaitons avant tout affirmer que notre compagnie est préoccupée par une série d’aspects de la production de spectacles vivants et qu’elle est et restera pro-active dans la recherche de solutions ou d’alternatives.


1. Représentation homme-femme

Lors de la mise en place d’un nouveau projet de spectacle et du choix des équipes, le Projet Cryotopsie veille à ce que minimum 50% de la masse salariale liée à la création soit féminine.

Nous tenons, en plus, à ce que minimum 50% de la distribution de chaque projet soit féminine.

* Par distribution nous entendons les artistes présent·es sur scène.

** En cas d’imprévus et de modifications venant bouleverser l’équilibre initial, la recherche de parité ne pourra en aucun cas nous amener à revenir sur une promesse d’engagement.

*** La règle liée à la masse salariale serait par contre trop contraignante si elle devait être appliquée aux tournées et reprises, où les équipes sont le plus souvent réduites à quelques personnes à peine.

2. Inclusion

Notre compagnie se souhaite inclusive.

Nous invitons par exemple les personnes neuro-atypiques à signaler certains de leurs besoins essentiels au reste de l’équipe lorsque cela leur semble important pour le bon déroulement du travail, et le reste de l’équipe à en tenir compte sans jugement. Il en va de même pour tout autre besoin spécifique ressenti par une personne de l’équipe.

Nous souhaitons régulièrement organiser des auditions ouvertes ou lancer des appels publics pour différents postes, afin de rencontrer des profils divers en terme de parcours, de formation, d’origine, de physique, d’âge, etc.

3. Transparence et égalité salariale

Les budgets sont toujours prioritairement affectés à l’emploi.

La forme de rémunération privilégiée – et donc la première proposition à faire par la production – est toujours un contrat d’employé à durée déterminée (CDD).

Dans l’idéal, il n’y a pas de différences de salaire ni pour un même poste ni entre les différents postes, sauf selon que la personne a plus ou moins de 12 années d’expérience. Les salaires ne sont dès lors négociables que collectivement.

Le budget du spectacle est communiqué à toute l’équipe avant le début de la création.

Lors de l’engagement, les conditions et les montants des salaires, tant pour la création que ceux estimés pour les tournées, sont clairement communiqués à l’équipe.

4. Sérénité du cadre de travail

Pour le confort de chacun, tout le monde est attentif au respect d’un cadre de travail clair.

Cela commence par un strict respect des horaires et du planning, tant de la part de l’équipe que de la mise en scène.

De manière générale, on tend à ce que le subjectif, l’émotionnel et le relationnel ne débordent pas. Lorsque cela arrive, nous invitons nos équipes à en parler en utilisant les principes de la communication non-violente (voir notre note à ce sujet).

Afin de prévenir d’éventuels malaises et conflits, la compagnie propose aux équipes des outils élémentaires d’intelligence collective (météo en début de travail, tours de parole cadrés, utilisation de la communication non violente,…).

La confiance réciproque et le respect des compétences spécifiques de chacun·e est pour nous la clé d’un travail collectif sain et cohérent.

La metteuse ou le metteur en scène, ainsi que toute personne amenée à diriger d’autres membres de l’équipe, doit veiller à éviter toute forme d’abus de pouvoir et à ce que les remarques et retours ne débordent jamais du cadre professionnel.

Une personne de confiance [Virgile, membre de l’ASBL] est prête à effectuer un travail de médiation en cas de conflit ou de situation s’apparentant à du harcèlement ou à un abus de pouvoir. Il est également possible de contacter l’organisme COHEZIO (voir la fiche qui se trouve dans notre boîte à pharmacie).

Conditions de tournées :

Lors des tournées, nous estimons primordial de respecter l’intimité et le confort de chacun·e. Nous essayons un maximum d’offrir à nos équipes une chambre par personne et lorsque cela s’avère trop compliqué, nous veillons à ce qu’un dialogue transparent soit mis en place avec les équipes pour l’organisation des conditions de logement.

Une Car Policy est jointe au contrat d’employé, qui reprend clairement les règles et responsabilités quant à la conduite du véhicule de la compagnie.

Le respect d’horaires corrects évitant une trop grande fatigue de l’équipe, notamment lorsqu’il y a beaucoup de route à faire, est un élément décisif dans l’établissement du planning des tournées, quitte à entraîner des coûts supplémentaires.

Respect de l’intimité des corps :

Tant durant les répétitions que les représentations, un espace vestiaire, même succin, sera prévu afin que les artistes puissent se changer à l’abri de tout regard. Ce point est d’autant plus important lorsque nous jouons dans des salles non équipées, dans des écoles, etc. Une « cabine de douche » portable est mise à disposition des équipes à cette fin.

En aucun cas une audition ne peut inclure des scènes de sexe simulées ou impliquer de la nudité. Au moment de l’engagement, toute possibilité de scènes impliquant nudité, intimité (par exemple un baiser) ou sexe simulé doit être discutée avec l’artiste afin que l’accord soit conclu en totale transparence. S’il y a lieu de créer de telles scènes, la compagnie fera appel à une coordinatrice d’intimité (Nathalie Bremeels, qui a suivi une formation d’Intimacy Coordinator) afin d’encadrer les premières répétitions et de définir des balises à respecter tout au long du travail et des représentations.

Avant tout travail d’improvisation, on procède à un tour de parole où chacun·e exprime ses limites, en termes de contact physique, d’éventuelle nudité, ou même de violence verbale. L’ensemble de l’équipe s’engage à respecter ces limites et à arrêter l’improvisation si l’une d’elles devait être franchie.

Le consentement explicite des artistes est également nécessaire pour le choix de costumes (qui seraient par exemple très serrant ou mettant à nu certaines parties du corps) ; et aucune pression ne sera exercée pour les faire changer d’avis.

5. Mobilité et décentralisation

Notre compagnie nourrit l’envie d’un théâtre populaire, accessible, qui puisse se décentraliser et sortir des réseaux classiques. Il est important pour nous d’aller à la rencontre des publics, et de fait de pouvoir jouer dans des salles qui ne sont pas destinées au théâtre, peu voire pas du tout équipées.

* Il s’agit surtout de collaboration avec des associations, maisons de jeunes, plannings familiaux, projets citoyens ou même politiques. Nous avons par exemple joué au sein du Parlement Européen dans le cadre de la journée internationale du droit des femmes et d’un débat sur la prostitution et la pornographie, et il s’agit pour nous d’une date marquante dans l’histoire de la compagnie.

Nous nous attachons dès lors à créer des spectacles légers techniquement, ayant une grande autonomie technique, pouvant s’adapter à tout type de salles, tout en veillant à ne pas sacrifier l’esthétique. Dès leur naissance, les projets sont pensés pour être mobiles, et nous cherchons des solutions de mobilité qui soient également des choix artistiques et qui créent une esthétique.

Concevoir des spectacles légers répond également à nos préoccupations écologiques.

6. Vigilance écologique

La compagnie tient à s’engager sur le plan écologique. Nous demandons à chacun·e de faire attention au moins aux points suivants.

Plastique jetable :

  • éviter le plastique jetable en général ;
  • refuser particulièrement les bouteilles en plastique ainsi que les gobelets ou couverts jetables, y compris et surtout en tournée ; la compagnie s’engage dès lors à fournir aux équipes des gourdes en métal ainsi que des verres et couverts.

Gaspillage alimentaire :

  • éviter d’utiliser des consommables alimentaires sur scène ; si cela s’avère indispensable, veiller à ce qu’aucun gaspillage n’ait lieu ;
  • éviter le gaspillage alimentaire en tournée ; la compagnie s’engage à fournir des boîtes hermétiques pour conserver des restes éventuels ainsi qu’une glacière.

Consommation électrique :

  • réduire un maximum la consommation électrique du spectacle en privilégiant toujours l’éclairage LED ;
  • dans le cas d’éclairage tungstène, ne pas utiliser systématiquement l’éclairage lors des répétitions.

Transports :

  • dès le début d’une création, penser les questions de transport pour limiter l’impact écologique des tournées (idéalement un seul véhicule ; maximum deux) ;
  • toujours privilégier un transport groupé via le véhicule de la compagnie, sauf en cas d’impératifs exceptionnels ;
  • organiser les tournées à l’étranger pour mutualiser un maximum les trajets et ainsi réduire l’impact écologique de chaque date ;
  • sauf dans le cas de festivals, refuser des dates isolées à plus de 200 km du siège social de la compagnie.

Respect des animaux :

  • ne pas mettre en scène d’animaux vivants ;
  • ne pas acheter de costumes contenant de la fourrure animale ;
  • ne jamais utiliser de viande sur scène.

7. Éthique de consommation

Dans la mesure du possible, suivant le budget disponible (et sachant que les budgets sont toujours prioritairement affectés à l’emploi), nous invitons nos équipes à rester vigilantes quant à la provenance des produits achetés (principalement les costumes, accessoires et éléments de décor) et à l’impact humain et écologique de ces achats.

Nous proposons les pistes suivantes :

  • ré-utiliser un maximum le matériel technique et les matériaux de construction utilisés sur les précédentes productions ;
  • privilégier les achats de seconde main ;
  • privilégier les commerces locaux ;
  • avant de faire des achats en ligne sur des grands sites de distribution, vérifier qu’il n’y a pas d’alternatives dans des commerces locaux ou sur des sites spécialisés.

8. Informatique

Lors du choix des logiciels et solutions informatiques, nous souhaitons privilégier dès que possible les logiciels libres et solutions open source.

Nous demandons également à nos équipes de rester attentives à l’impact écologique des data centers et à limiter leur utilisation du cloud.

Braine-l’Alleud, novembre 2021

revu et corrigé en juin 2024